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Les profs de lettres ne sont pas une bonne idée

Au château de Miromesnil, où serait né Maupassant, se tenait aujourd’hui un colloque sur Notre Cœur, sujet intéressant. Il y avait du monde, c’est bien, que des profs de lettres, ça l’était moins.

De la visite des trois pièces de la propriété privée, que la famille machin qui porte à têtes de porcs sur fond raclé, dans son immense bonté, exhibe aux gueux, peu de choses à retenir ; il était aussi difficile d’ouïr la guide hurleuse, submergée dans un flots de potins divers avec refrain : « Les élèves n’ont plus ni savoir-vivre ni intérêt », les vilains ! Dans la chapelle, on eut droit aux remarques spirituelles. Une grosse dame illettrée tentait bien d’expliquer un vitrail mais la joute est lancée et la pédanterie fuse en traits, un poil usés.

La photo ensuite, dans le potager. Au milieu des légumes, c’est plutôt coloré ! Cette macédoine parfaitement cultivée, peut être mise en boîte, elle est bien calibrée. « Ne posez pas » dit la photographe. Impossible ! Chacun a sorti les tenues, correctement branchées, qui dissimulent le fonctionnaire sans révéler l’artiste qu’injustement on doit taire, c’est la vie. Tous fixent un objet ; un nuage romantique, une citrouille prometteuse, certains mêmes l’objectif. Il y a du révélateur dans la photographie.

Et puis c’est l’heure, on sort les cahiers, les professeurs vont parler. Il y en a quatre : Un maigrichon du CRDP (Corps Royal Des Planqués), un débonnaire de l’université (de Caen mais c’est bien quand même), un lord anglais de la Sorbonne et la salle d’applaudir, un éditeur, concentrateur de convoitises. Très vite il est décidé de transformer le cours en table ronde, on n’est pas venu pour travailler ! Notre Cœur : simple ; c’est De Burne et Mariolle et ça fait rire les élèves en première heure. Et je pense que... Maupassant maniaco-dépressif et non, c’est excessif, et mon bouquin le dit bien, Maupassant plus cochon que normand, toujours jouissif, Le Horla disons-le, ça va bien mais un peu, mon bouquin le dit mieux, allez, je vous paie un coup.

Alors... Le massacre au buffet. Des pains au chocolat et du jus d’orange ! À ne pas rater. Heureusement Durequin, l’éditeur, a prévu une diversion : dans un coin, on offre des exemplaires ! La foule est déchirée ; le buffet... le livre... au chocolat... bonjour, j’écris... Mais à la fin, tout le monde a tout eu et même plus. Recordman : M. X du lycée Corneille ; quatre pains ingérés, deux exemplaires, va pouvoir s’en aller.

On papote, rassasiés ; l’an prochain : Notre Cœur, ça va changer, puis Le Horla c’est bêta... Comme l’a bien dit Pierre Richard de la Sorbonne, Maupassant l’a écrit uniquement pour coller à la définition du fantastique de Todorov. Allez salut, on s’téléphone, on s’fait une bouffe.

Il pleut, je m’en vais. Oui, j’étais là aussi, souriant dans la chapelle, posant pour la photo. J’ai bu mon jus d’orange, je pars avec mon livre. C’était la visite au miroir, j’ai le moral au niveau de l’éclatement des gouttes. Les profs de lettres ne sont pas une bonne idée.

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